❝ Try to follow... ❖Taito

Sur le toit.

Une paisible brise faisait tanguer des grands rideaux. La chaleur de cet après-midi avait disparu au cours de la journée. Fenêtre ouverte, elle était condamnée par les tissus épais et foncés. Ils ne pouvaient pénétrer qu'amortir, diminués avec les barrières. Tout comme la lumière de la lune. Dedans, la chambre plongée dans la semi-obscurité, seul le ronronnement incessant de l'ordinateur faisait un vacarme d'enfer. Le ventilateur essayait en vain pour repousser la fabrication de l'air chaud. Une silhouette humaine à peine visible par terre. Recroqueviller devant la pagaille cachée dans le noir, la jeune fille se sentit en sécurité à l'intérieur de son univers. Seule, sans aucun colocataire qui pourrait débarquer d'une minute à l'autre, sans être énervée de plus belle. Son état d'âme fut chamboulé en l'espace de plusieurs heures. Passant du gris au bleu, de nouveau gris puis subitement noir. Semblable à une journée orageuse, les découvertes, les humeurs papables et non-contrôlées perturbaient le cours de ses pensées. Tout à l'heure, Akina avait tentée de rattraper l'étudiant, celui qui lui avait confirmer une réponse à ses incalculables questions. Vers la fin de l'après-midi, elle reçut un coup téléphonique d'un garde du corps de sa famille, un employé qui avait eu une tâche d'informer les nouvelles à la jeune fille. Mais le bouquet final fut déjà réservée, uniquement pour ce soir. Enfin... Si ce rendez-vous aura vraiment lieu...

Elle ouvrit lentement les yeux, cligna des yeux jusqu'à ce que sa vision redevienne claire, elle relevait son visage. Le regard fixe, elle regardait le réveil. Il affichait qu'il était 21h40. Poursuivre la peinture de son tableau serait-il une meilleure idée ? Les deux mains pressées, appuyée contre le sol, Akina peinait à déplier ses jambes ankylosées et se relever droite. Marchant vers la porte, les pieds de la demoiselle évitaient de justesse les débris du miroir, le miroir qu'elle avait brisé volontairement, quelques heures plus tôt. Échange de pantoufles contre des bottes blanc, elle sortit lentement de la pièce. L'équipe des surveillants ne tournaient pas au alentours pour l'instant, il n'y avait aucun risque qu'ils la contredisent de prendre l'air.

Carnet de croquis dans les mains, la lycéenne s'engagea en silence dans l'escalier, et ouvrit une petite porte afin de poser un pied sur le toit de l'immeuble. Personne. Le coin était libre. En avance sur la scène, Akina s'installa dans un angle, en appui sur le rebord et commença à dessiner en attendant l'heure convenue. À moins qu'il ne soit déjà annulé ?

Sur le toit.

La demoiselle, bloquée sur la page blanche de son cahier de dessin, elle raturait les tracés qui manquaient de relief, de perceptive avec insistance. Son corps se raidit, les bruits de pas avertissaient la présence de Taito et eut une drôle d'impression. Ses oreilles se préparaient déjà pour capter ce que le jeune homme allait lui dire, alors qu'il est ici depuis une minute. Assis près d'elle, ses mains décidaient donc de cesser le travail au crayon et se reposer avant que la personne à côté prenne la parole. L'introduction donnait des indices sur le moral, le frayeur se retenait autant à la tonalité de la voix que dans une phrase. Une certaine prudence s'était dégagée, Akina pouvait le deviner aisément mais elle s'abstint toute intervention dans cette discussion. Inutile de se demander pourquoi la jeune fille allait opter pour sortir la carte de l'indifférence à ses côtés. Au fond d'elle-même, la lycéenne se rendait à l'évidence, le revoir ici, devant ce sombre décor l'apaisait légèrement. Cependant, son regard rouge garance s'était durci, froissé par le manque de tact de tout à l'heure. Puis, en le laissant reprendre son souffle, il commençait à déballer ce qu'il avait sur le cœur.

Moment de confidence, Taito révéla que le décès de sa sœur aînée avait provoqué une seconde personnalité. Au début de l'après-midi, Akina croyait que c'était juste une blague de mauvaise goût pour se racheter de son geste. Sur ces mots, son esprit fut satisfait de recevoir ces informations, ça retirait déjà un poids considérable à sa colère. Tout en continuant, l'étudiant lui disait que selon son désir, elle pouvait le rejeter comme les autres après avoir appris ce secret. Les prunelles de la jeune fille s'adoucit, une expression combinant compréhension et peine. Son visage se détendait pendant qu'un long soupir s'échappa de ses lèvres.

AKINA : « Vraiment... Je ne sais plus vraiment naviguer ces derniers temps. »

À mi-voix, cette phrase s'enfuit sans son accord. Akina respirait pleinement , les paupières closes, elle acquiesçait sa propre pensée. D'un geste calculé, elle balança violemment son vieux carnet de dessin par-dessus ses épaules et sans se retourner.

AKINA : « J'avoue que ton autre toi à réussi à me faire peur. Sur le coup, je ne savais pas comment réagir. Mais cette frayeur provenait pas de deuxième personnalité mais plutôt à ce qu'il allait se passer après. J'avais fini par croire que tu allais juste profiter de moi et basta... Quand je suis avec toi, je ne suis pas moi-même... J'ai l'impression d'être une autre... »

Prenant soin de n’émettre aucun bruit durant un petit laps de temps, elle rouvrit ses yeux, levés vers le sombre ciel. Ses doigts se nichaient tout près de son ruban afin de le défaire délicatement.

AKINA : « Je n'ai même plus le plaisir qu'auparavant d'établir une liste de défauts pour chaque personne... Et même pas capable de rejeter quelqu'un. Je connais trop ce sentiment pour le faire subir aux autres. C'est trop douloureux. »

Sur le toit.

Il faisait frais dehors. Une fraicheur négative constrastant avec les rayons lunaire. Les étoiles parsemées dans l’obscurité infini, elles accompagnaient dame Lune et sa splendeur. Complices, elles avaient l'air d'entretenir une relation propre où personne, ni rien ne pouvait les opposer et cela rendait Akina parfois envieuse. Aussitôt, une énergie qui ne lui appartenait nullement, une main déposée contre la sienne. Quittant la vue de ce panorama, Akina, attentive, indulgente, le léger sourire figé sur ses lèvres, elle regardait entièrement le jeune homme durant son temps de parole. Les joues imprimées d'une couleur rosée, la lycéenne ne put s'en empêcher de rougir face à cet éloge insistant. Accompagnée par le regard améthyste, il venait à la questionner si elle ressentait quelque chose au fond de soi. Décidément, quel étrange personnage. Des doigts venaient à la rencontre de sa joue, mais très vite, Taito se résignait à la frôler.

Dans un premier temps figée, la jeune fille resta totalement immobile durant les plusieurs secondes qui passent avant de remuer les épaules. Les cheveux mêlés par la douceur du vent, la demoiselle balayait d'une main les quelques mèches anodins qui flottaient au contact. L'autre restait couverte peu de temps, puis elle capturait doucement la main rassurante de l'étudiant.

AKINA : « Malheureusement non. Que ce soit par amitié ou amour... Garder un lien sans me faire rejeter semblerait être impossible pour moi. Je me pose souvent la question si c'est dû au caractère ou autre chose qui empêche une relation. Je ne suis pas toujours une fille de cœur... Mais quand je suis près de toi... Lorsque je dis que je ne suis plus la même que d'habitude, c'est parce que je ressens réellement de la sympathie mêlée à de la gêne. L-La preuve. A propos de ce que tu viens de dire me touche.. .M-Merci Taito... »

Au moment de le remercier, toute tremblante, Akina laissait jaillir une perle au coin de l’œil. Elle cligna des yeux, son doigt se porta vers la pupille afin d'essayer de l'estomper avec précaution. Levant les yeux en direction du jeune homme, un sourire s’étendit sur sa frimousse et ricana doucement. La lycéenne porta ses doigts sur les joues lisses, tout comme le jeune homme n'avait pas oser de continuer récemment. Ce mouvement apparaissait comme intime...

AKINA : « Possible, c'est une bonne idée. On devrait faire le chemin ensemble pour le découvrir... Et pour te répondre, si je ressens cette même chose que toi... Oui, peut-être. Je ne peux pas identifier le tien précisément. Ce dont je suis sûre, j'aurais mal si tu venais à m'abandonner. J’éprouverais la même souffrance que tout à l'heure. »

Sur le toit.

Alors qu'elle allait pour redresser son dos, Akina se fit tendrement emprisonner par son ami qui l’étreigne comme la fois précédente, semblable à une peluche. Elle y percevait aucune violence, aucune brutalité . Au contraire, c'était doux et délicat. Aussi loin que la jeune fille s'en souvienne, à partir de ses dernières années à l'école primaire, elle n'avait plus été confrontée ce genre de contact fort agréable. Au moins, elle pouvait sentir une présence, une force, respirer une senteur... Elle sentit un frisson de bien-être parcourir le long de son dos. Tête posée sur une épaule, elle gardait encore une oreille attentive aux mots. Taito lui demandait une requête, il souhaitait que le jour où sa deuxième personnalité reprenne le pouvoir, le contrôle de son corps, qu'elle fasse quelque chose pour l'esquiver. La pensée de la lycéenne était : D'accord mais si je ne me rendrais pas compte immédiatement, s'il s'amuserait à jouer la comédie dès le début, je le saurais comment ?... Rompue de cette réflexion, ses joues furent enveloppées par la nonchalance assurée des mains. Le front appuyé contre le sien, Akina prit discrètement une bouffée d'oxygène, restant toujours près du jeune homme. Dans le silence qui suivit, la lycéenne demeurait le regard rivé vers celui de l'étudiant. La brillance de ces yeux améthystes en disait long, elle exprimait un désir inavoué dont la signification était encore vague ou faussée par les paroles. Puis, le jeune homme insistait une dernière fois pour que la demoiselle dise le serment qu'il espérait entendre.

AKINA : « Taito... Promettre n'est pas mon fort. Si je fuis, si j'ignore ton autre... Ce serait comme refuser tes mauvais côtés et juste garder les meilleurs... J'aurais l'impression d'être une sale égoïste qui pense seulement à sa personne, éviter le mal pour souffrir en te laissant ainsi. En tout cas, je ne pourrais pas en me connaissant. On ne pourra pas fuir bien éternellement. »

Allait-il se contenter de cette réponse ? Nul ne le sait pour l'instant. Akina a peut-être déjà une petite idée de la réaction face à l'écho de sa phrase. Elle gardait une contenance, un visage neutre pour montrer un sérieux. Seul son souffle timide qui amalgamait timidement celui de son complice, trahissait ses émotions actuels. Tout comme ses prunelles grenâtes déclenchèrent une lueur emplie de tendresse, accompagnée d'une idée derrière la tête. L'un d'entre eux ne seraient-ils pas inspirés à provoquer un jeu sensuel ? Avec ce face-à-face rapproché, rien ne serait plus tentant que de briser cette bref distance qui s'y opposait. Durant plusieurs secondes, la lycéenne ressentait soudainement une distraction, une envie bien particulière. Cela restait bien trop enivrant pour qu'elle passe à côté et rien d'y penser, son cœur battait follement.

AKINA : « Je t'accepte comme tu es, Taito. »

Elle s'approcha doucement, plaça une main pour effleurer de ses doigts fins le cou du jeune homme. Suivie d'une caresse au creux de cet endroit, Akina se pencha enfin pour reposer un baiser sur les lèvres de celui qui avait réussi à la charmer, avec les yeux clos.

Sur le toit.

Le cœur de la demoiselle animait, s'arrêtait, redoublait des battements irréguliers contre sa poitrine. Chavirée par les émotions, elle était, tout était vivement bien. Un contact ma foi timide était une perception d'une tendresse oubliée. Les derniers baisers reçus dans le passé eurent tous un terrible goût, mêlé à du mépris et de rigueur. Oui, c'est arrivé quelquefois que des gars se distrayaient à la prendre au dépourvu, pour la plaquer contre un mur, l'embrasser et même essayer de l'attirer sous les draps. Mais au bout du compte, ils ne parvenaient pas à franchir le troisième cap, ils se faisaient soit pourchasser par un garde du corps, soit subir un réel chantage par la furie en personne. Il faut dire que sa vie ne lui convenait plus, la jeune fille se situait actuellement dans une période de crise, une rébellion contre des membres de sa famille et certains adultes qui auraient la même mentalité qu'eux. Bref...

Au moment où les lèvres se libérèrent à cette embrassade, elle profita un peu de temps pour reprendre sa respiration. La lycéenne ne s'attendait pas à être remercier tandis qu'une main venait se loger également à son cou. Les doigts qui parcouraient une parcelle sensible, donnant une caresse exquise. En l'espace de petites secondes, leurs lèvres reprenaient un embrassement identique que la précédente, doux et timide. Akina appréciait le goût de ses lèvres, une sorte de plénitude embellit son état d'esprit, oubliant de ce qui s'était passé plus tôt dans la journée. Soudain, il a suffit des mots pour la faire rougir, des touts petits mots murmuré à voix basse, un mot qui exprime au-delà de l'amitié, difficile à prononcer lorsque c'était purement sincère. Air étonnée, comme si la profondeur de cette annonce était parvenue, mais avant qu'elle ne put répondre, il détourna son regard avec le visage en feu. Elle avait également le même teint rouge que le jeune homme face à elle. La demoiselle se rendit compte seulement maintenant que ses sentiments auraient pu ne pas être partager et ruiner bêtement le lien, juste par un baiser. Fort heureusement, il semblerait que ce ne soit pas le cas et donc, la jeune fille s'approcha de lui pour insuffler au creux de son oreille.

AKINA : « Je t'aime... Taito... »

Le tout avec une voix reposante, effaçant la trace de perle qui ruisselait paisiblement, Akina déposa une bise à cet endroit précis et l'enlaça comme pour le remercier.

AKINA : « Et merci à toi aussi... Je te serais toujours reconnaissante... depuis ce jour. Je croyais que cela arrivait rien que dans les bouquins, les trucs fictions... ce genre de scène. Souvent, je me demande encore comment tu es arrivé pile au bon moment... »

Sur le toit.

La chance a ses limites, je crois vaguement en la chance... Si les circonstances se seraient passés autrement, y aurait-il tout même un lieu de rencontre ? Une rencontre qui aurait pu se passer différemment, est-ce le lien entre nous serait né ? C'est tellement difficile à imaginer, il existe trop de versions plausibles... Celle-ci est sans doute la meilleure. pensa-t-elle. Par moment, Akina est une jeune fille qui se pose trop de questions, sa curiosité la pousse généralement à réfléchir selon les événements, les nombreuses possibilités qu'elle aurait pu faire dans le passé, dans le présent ou encore le futur. Tirée de ses pensées, elle sentit la caresse des mains du jeune homme sur son dos. Le vent devenait de plus en plus froid, il faut dire que cela faisait un petit moment qu'ils se trouvaient sur le toit du pensionnat. Ils étaient bien exposés contre les souffles du vent, il ne serait pas bien d'étonnant qu'ils aimeraient rentrer à l'intérieur. Sinon, ils pourraient choper un rhume l'un d'entre eux, voir ensemble. Recevant un baiser au coin de ses lèvres, la demoiselle se mit à rires à son tour et adorait le geste sur sa joue. Son regard s'exposait sur la vue splendide du panorama, il se baissa vers le parc où les arbres subissaient également le souffle du vent. Soudain, elle aperçut une ombre sur le sol, une silhouette sous les branchages, c'était juste un surveillant qui assurait son rôle, tout en examinait aux alentours afin de chasser les éventuels élèves qui trainaient encore dehors.

AKINA : « Oui, je pense que c'est une bonne idée. Il commence vraiment à faire frais ici. »

Au début, elle ne captait pas tout de suite que la proposition signifiait de vouloir dormir ensemble. La jeune fille comprend parfois lentement des phrases. En voyant que Taito lui tendit une main pour montrer sa galanterie, un sourire se traçait sur ses lèvres et se laissait aider pour se relever. La seule question qui venait à l'esprit : Où ça ? Dans la chambre de l'étudiant, un endroit entretenu ? ou au contraire, le royaume de la lycéenne. Un lieu où réside le bazar absolu, un lieu où Akina a l'habitude de vivre et que les maniaques ne supporteraient de dormir. Une fois de plus, elle riait de bon cœur et acceptait volontiers de rentrer au chaud avec lui. Peu importe l'endroit, elle n'était pas bien difficile sur ce plan là.